DA : En tant que support de diffusion d'annonce d'emploi, notre site Emploi-Environnement.com est un observateur privilégié de l'évolution du marché de l'emploi sur les métiers de l'Environnement. Même si notre mission ne consiste pas à établir des bilans statistiques, mais bien à mettre en relation les entreprises avec des candidats compétents, nous constatons depuis plus de cinq ans une évolution importante du marché de l'emploi environnemental, aussi bien quantitativement que qualitativement.
Véritablement cantonné aux métiers de l'eau et des déchets dans les éco-industries il y a encore quelques années, le marché s'ouvre désormais vers de nouveaux horizons. De nouvelles opportunités se présentent par exemple avec l'explosion du secteur des Énergies renouvelables et de la performance énergétique, mais aussi dans des industries plus classiques. Du fait de l'accroissement de la pression réglementaire, mais aussi d'une sensibilité grandissante à la thématique de l'Environnement, ces entreprises embauchent de plus en plus d'ingénieur HSE ou QSE par exemple. Notre tâche est de les accompagner dans leur processus de recrutement en accélérant la mise en relation avec des candidats compétents.
AE : D'après vos observations, les filières de formations apparaissent-elles bien adaptées à la demande des recruteurs ?
DA : La réponse ne peut-être qu'en demi-teinte. Oui, certaines formations, qu'elles soient initiales ou professionnelles, sont très pertinentes et les ''diplômés'' trouvent très rapidement de travail. Malheureusement, ce n'est pas le cas pour toutes, bien au contraire. De très (trop) nombreuses formations ont de toute évidence été développées, non pour s'accorder à un besoin du marché, mais bel et bien pour remplir des salles !
Créées pour répondre à une demande unilatérale notamment des jeunes qui se montrent, et c'est bien naturel, motivés pour faire une carrière utile au service de la protection de la planète, de trop nombreuses formations mènent tout droit au chômage.
Outre une nécessaire responsabilisation des Écoles et Universités, il est primordial que les étudiants se renseignent sur les débouchés avant de s'inscrire à une formation : est-elle reconnue ou est-elle demandée dans les annonces d'emploi ? Combien d'étudiants ont trouvé un emploi en fin de cursus ?
AE : On évoque régulièrement le chiffre de 400.000 emplois dans l'environnement en France. Pouvez-vous nous donner une fourchette d'évolution possible dans les années à venir ?
DA : Personnellement, je doute de la véracité de ce chiffre ou plus exactement des bases qui ont servi à le déterminer. Si l'on regarde dans le détail, il inclut principalement les métiers techniques de l'eau, des déchets et de la prévention des pollutions : cela me paraît très réducteur.
Par exemple, il n'est pas fait mention des professions commerciales et technico-commerciales. Une gageure quand d'autres études montrent que la croissance du chiffre d'affaires des éco-industries est supérieure aux autres secteurs de l'économie !
Dans un contexte d'urgence climatique, il est également étonnant qu'il ne soit pas fait mention des énergies renouvelables, d'autant que ce secteur explose !
Pour autant, je ne remets pas en doute la légitimité ni les compétences de l'IFEN qui a établi ce chiffre et dont les statisticiens connaissent parfaitement leur métier. Mais ces données sont établies sur la base des informations enregistrées par l'ANPE, elles-mêmes indexées sur les codes ROME*. Or il est clair que ceux-ci décrivent assez mal la complexité et la multiplicité des opportunités offertes par les secteurs de l'Environnement : air, eau, déchet, énergie, écologie, gestion des risques, management environnemental… Emploi-Environnement.com est d'ailleurs né en 2002 de cette constatation, pour apporter une expertise métier adéquate aux recruteurs et aux candidats. Depuis, nous sommes devenus partenaires de l'ANPE et de l'APEC qui nous recommandent pour notre savoir-faire.
AE : Dans le cadre du Grenelle, l'Alliance pour la planète vient de proposer la création d'une agence pour l'emploi spécialisé. Celle-ci pourrait peut-être contribuer à combler ces lacunes et développer les débouchés ?
DA : Je ne le pense pas. Quelle serait en effet l'utilité de créer une nouvelle agence alors que l'ANPE dispose déjà de toute la latitude et des moyens nécessaires pour faire évoluer sa codification métier ? À mon sens aucune, si ce n'est d'envoyer un signal très négatif au marché : les candidats et recruteurs du secteur seraient-ils tellement plus balourds que ceux des autres secteurs d'activités, qu'il conviendrait de leur dédier une agence pour l'emploi ?
Il convient de rester mesuré dans ses propositions : bien qu'il soit assez particulier, le secteur de l'Environnement est devenu une branche de l'économie à part entière, et c'est heureux, autant pour la préservation de la planète que pour générer des emplois durables. S'il convient que les pouvoirs publics aident au développement du secteur, il faut garder à l'esprit que l'environnement n'est pas un secteur d'assistés !
AE : Dans ce contexte, quelles seraient alors vos propositions pour développer les métiers de l'Environnement ?
DA : Concernant la formation, une responsabilisation des équipes pédagogiques semble nécessaire pour mieux informer les étudiants sur les débouchés en fin de cursus, voire pour réduire drastiquement l'offre de formation. Ne devraient par exemple être maintenues que les formations en mesure d'afficher un suivi de situation de leurs anciens élèves. Dans la lignée, des mesures devraient être adoptées pour stopper le recours récurrent à des stagiaires devenus désormais quasi jetables.
Parallèlement, pour doper le recrutement en environnement, il convient d'envoyer un signal clair que le marché soit en mesure de s'approprier tel que la fiscalité.
Mais à l'instar de l'échec des ''emplois de l'écologie'' initiés il y a quelques années il faut éviter les solutions de demi-mesure. À l'époque, l'efficacité de ce dispositif d'allégement du coût du travail spécifiquement associé à l'Environnement a été considérablement réduite du fait de sa ponctualité et de sa restriction au seul secteur industriel. Ces aides ne sauraient en effet devenir efficaces sans une réelle implication de l'entreprise. Parallèlement elles ne sauraient suffire à créer une véritable dynamique en matière de protection de l'Environnement.
Dans ce contexte, et malgré toute la complexité de sa mise en œuvre, le transfert de la fiscalité pesant sur le travail vers la pollution, m'apparaît comme la seule vraie mesure capable de dynamiser le recrutement en Environnement dans les industries et les services. Outre la multiplication des emplois HSE et QSE au sein de services moteurs du développement économique des entreprises recruteuses, l'incitation à réduire les impacts environnementaux contribuerait également à doper l'activité des éco-entreprises du secteur de l'eau, des déchets, de l'énergie etc.
* Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois